L’ESPRIT DE LA FABRIQUE#4 HORS NORMES 2023 > 2025
Après la thématique du risque, Chahuts laisse place à la question de ce qui fait norme ou non, de notre capacité à s’en affranchir, de la marginalité choisie ou subie… Pour cette première saison 2023 – 2024, la Fabrique #4 est sous le signe du “Hors Normes”.
Qu’est-ce que la norme ? La norme est-elle la tyrannie de la majorité ? À partir de quel moment ou dans quelle situation est-on hors norme, déviant ? La normalité du groupe est-elle adaptée aux plus faibles, ou la norme est-elle finalement sélective ? Une société peut-elle évoluer sans réévaluer en permanence ses normes ? Faut-il les saboter ?
Les projets participatifs et humains de cette nouvelle Fabrique ont permis de mettre en lumière des paroles et des vécus qui sont trop souvent invisibilisés et de créer du lien entre des personnes qui n’ont pas l’habitude de se parler, grâce à la création de nouveaux espaces de rencontre. Une thématique que nous avons abordé sous plusieurs angles : artistique, social, médical, psychiatrique, urbanistique, que nous avons voulu à l’image de la diversité des personnes et des partenaires qui nous accompagnent.
PRÉSENCE ARTISTIQUE DE PROXIMITÉ À SAINT-MICHEL ET LA BENAUGE
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ÉDUCATION POPULAIRE ET CREATIVE : UN LIEN DANS LA DUREE AVEC LES ENFANTS ET LEURS FAMILLES
La Fabrique, ce sont également des projets ambitieux que nous menons avec les établissements scolaires des deux quartiers d’ancrage de Chahuts.
Cliquez sur le texte rose sous chaque image pour découvrir chaque projet en détail.
- Dispositif : Ateliers de danse et d’échanges avec une restitution dans l’espace public
- Participant·es : 41 élèves de CE2, CM1 et CM2 répartis dans deux classes et 12 élèves de la cellule chorégraphique du Conservatoire de Bordeaux.
- Artistes : Teilo Troncy, chorégraphe et danseur de la Cie Drisse. Le travail de la compagnie s’appuie sur l’art de la rupture et de la surprise, à travers la danse et la parole, en questionnant toujours la musicalité du geste.
- Partenaires : l’école élémentaire des Menuts, le conservatoire de Jacques Thibaud. Avec le soutien de la ville de Bordeaux dans le cadre du marrainage 100% EAC et de la DRAC Nouvelle-Aquitaine.
Entre le mois de mars et de juin 2024, Teilo Troncy de la compagnie Drisse a amené une quarantaine d’élèves de l’école des Menuts dans la découverte de la chute. Les ateliers proposés étaient pensés autour d’un des spectacles de la compagnie, nommé Farce et Rattrape, pièce teintée d’humour où la danse se glisse dans la musicalité des chutes. Les élèves ont d’ailleurs pu assister au spectacle durant une séance scolaire organisée pendant le festival.
Durant 12h d’ateliers, les élèves ont cherché à trouver des réponses à travers le travail du corps et par des échanges riches. Ces séances ont été aussi le lieu de rencontres intergénérationnelles grâce à la présence d’une dizaine d’étudiant.es de la cellule chorégraphique du Conservatoire Jacques Thibaud.
L’ensemble de ce travail s’est conclu pendant le festival avec une restitution au square Dom Bedos où les élèves ont performé devant 80 personnes environ. Durant ce parcours, les enfants ont pu appréhender leur peur de la chute, le lâcher prise dans ces endroits glissants, et comprendre que l’on peut apprendre à ne pas se faire mal et à toujours se relever. Ils et elles ont pu apprendre à faire confiance les yeux fermés, à percevoir le rapport au toucher d’une manière plus délicate et consciente et à réellement entrevoir la nécessité de l’autre dans l’entraide.
Travailler avec des référent.es de différents âges – avec la présence de la cellule chorégraphique – fut un avantage pour les enfants qui ont pu tisser des relations plus approfondies avec elleux, ce qui a privilégié la confiance dans le travail du corps et a également permis aux étudiants de vivre une première expérience de pratiques artistiques avec des enfants. Appréhender avec son corps le besoin de l’autre et de la solidarité a été la grande force de ce projet.
- Dispositif : Ateliers de danse et d’échanges avec une restitution dans l’espace public
- Participant.es : 129 élèves des écoles des Menuts (72 maternelles / 57 élémentaires)
- Artistes : Cie Ici Commence, avec Rémi Labrouche et Laure Bezolles. La compagnie questionne la construction de soi dans un monde en constante évolution à travers des spectacles de théâtre, jeune public et pour tous.tes.
- Partenaires : Ecoles maternelle et primaire des Menuts. Avec le soutien de la ville de Bordeaux dans le cadre du marrainage 100% EAC et de la DRAC Nouvelle-Aquitaine.
Rémi Labrouche et Laure Bezolles ont proposé aux élèves des écoles des Menuts une grande aventure collective, entre le mois de février et le mois de juin 2024. L’objectif de cette dernière était de se débarrasser des peurs, du regard des autres et de toujours oser.
Durant 12h d’ateliers, Rémi, Laure et les élèves ont ainsi imaginé des bals ensemble, petit.es et grand.es, pour créer une grande fête collective dans l’espace public. Iels ont alors pensé différents thèmes pour les bals (traditionnel, disco, classique etc.), et tous les groupes ont réalisé une phrase chorégraphique contre la peur : chaque enfant proposait un geste faisant fuir sa peur. Dans le but d’autonomiser les enfants, ces dernier.es ont également choisi les musiques des bals, ont participé à la création de fanions et d’invitations et ont écrit des mots destinés aux voisins.
Afin de créer des liens nouveaux et différents tout en responsabilisant les enfants, chaque élève de maternelle était en duo avec un.e élève de primaire. Les restitutions étaient au départ prévues dans la rue, cependant, avec le renforcement du plan vigipirate, l’accès à l’espace public a dû être réduit et la grande majorité des bals s’est finalement déroulée à l’intérieur des écoles.
Les bals se sont alors déroulés dans les deux cours des écoles, et les enfants ont présenté leur phrase chorégraphique contre la peur, et ont dansé avec toute la liberté dont iels sont capables. Enfin, l’ensemble s’est terminé en un bal foutraque dans la rue des Menuts, dans une euphorie collective et intergénérationnelle. L’ensemble de ce projet a réellement permis aux enfants de prendre confiance en elleux et de dépasser leur peur de danser devant les autres. L’idée de ce projet était aussi de créer un moment festif et intergénérationnel, ce qui fut le cas malgré l’accès limité à l’espace public, grâce à la présence des parents et instituteur·ices.
“Le plus beau dans ce projet, c’est de voir que certains élèves n’osaient à peine bouger au départ et que maintenant ce sont les premiers à danser comme des fous sur la piste.” – Laure, comédienne intervenante
- Dispositif : Ateliers de danse et de discussion autour de l’histoire décoloniale, et restitution.
- Participant.es : 24 élèves d’une classe de 4ème du collège Francisco Goya.
- Artistes : Emma Tricard, danseuse et performeuse de la compagnie Lola Gatt.
- Partenaires : collège Francisco Goya et les Archives départementales.
De mars à juin, les élèves de la classe de 4ème B du collège Francisco Goya ont participé à des ateliers menés par Emma Tricard de la compagnie Lola Gatt. Ces ateliers étaient pensés en lien avec leur spectacle Histoire(s) décoloniale(s), une forme contée et performée en plusieurs épisodes, dont celui d’Emma auquel les élèves ont assisté.
L’objectif de ces 18h de séance de travail était d’interroger le passé colonial de l’Europe et particulièrement de la ville de Bordeaux tout en questionnant sa propre identité. Dès la première heure, Emma a présenté le projet aux élèves de cette manière : “L’idée c’est que l’on puisse mettre en lien la grande Histoire avec la petite, c’est-à-dire celle qui est nôtre.” Ainsi, à travers un travail d’écriture de soi et de documentation historique soutenu par leur professeure d’histoire Charlotte Mesure, les élèves ont acquis des connaissances sur la question décoloniale tout en travaillant sur la question de leur propre identité. Dès lors, elles et ils ont écrit des textes à partir d’une seule consigne : commencer chaque phrase par “Je suis”. Les élèves ont donc produit deux textes chacun.e : d’abord en groupe, iels ont travaillé sur un thème en lien avec Bordeaux et le colonialisme (1685, la Place de la Bourse, Modeste Testas, Bonnaffé), puis chacun.e a écrit son propre portrait. Sur ce deuxième travail, iels ont tenté de questionner leurs liens filiaux. Par la suite, l’ensemble de ces textes s’est entremêlé pour ne faire qu’un, permettant alors d’interroger notre lien direct et personnel à l’Histoire coloniale et à la manière dont nous habitons aujourd’hui la ville de Bordeaux.
Cependant, le projet était aussi et surtout basé sur la question du corps par la danse. Emma a ainsi proposé aux élèves des exercices d’appréhension du rythme, de concentration sur soi, de conscience de son propre corps… Elle a également travaillé avec elleux autour du thème de la colère et de la violence, leur demandant alors de crier tous.tes ensemble sur ce qui les met réellement en colère (“le racisme” / “mon père” / “le patriarcat” / “Mbappé qui quitte le PSG” etc.). Emma leur a également présenté des chorégraphies mettant en scène cette forme de violence/colère, sans jamais se toucher, comme pour transformer le tout en une danse valorisant la puissance d’agir.
Tout au long de ces ateliers, nous avons pu être témoins de l’évolution des élèves : ils et elles ont appris, au fur et à mesure, à appréhender leur corps d’adolescent.e et ont trouvé une forme de détente dans les exercices. Lors de la restitution – qui se constituait de chorégraphies proposées par Emma et par les élèves et de textes écrits – les élèves ont fait preuve de rigueur dans le travail présenté avec un amusement dans le regard – qui s’est confirmé dans les retours qu’iels nous ont transmis – mélangé à une adrénaline joyeuse qui a donné une énergie particulièrement émouvante à cette conclusion.