HORS NORMES – saison 2023 – 2024

De juillet 2023 à février 2024, l’auteur Lancelot Hamelin a mené une enquête sur la circulation de l’inconscient dans les rues du quartier de Saint-Michel. Entre arpentages et rencontres, mais aussi immersions dans des services ou des institutions, et participation à des réunions cliniques, il a documenté ce qu’il en est de vivre la rue.

Avec les équipes et les concernés du SAMU Social, le CEID, (Comité d’Etude et d’Information sur la Drogue et les Addictions), l’association GIROFARD, l’EMPP, (l’Équipe Mobile et Psychiatrie et Précarité de l’hôpital Charles Perrin), ou le Collectif PARCOURS / Al Prado du château de Tenet, il s’agissait d’abord de découvrir celles et ceux qui sont au contact le plus intime de la ville, celles et ceux que les habitant·es normé·es des villes voient trop souvent comme des êtres bitumisé·es, au risque de les exclure de la communauté des humains.

Un des médiums employés pour échanger avec les personnes rencontrées a été, outre l’entretien enregistré, la gravure.

Un mode de gravure très simple, utilisant des morceaux de carton alimentaire dont l’intérieur est fait d’aluminium polymérisé, qui peut se graver, s’encrer, et s’imprimer avec un laminoir pour faire les pâtes. Cette technique permet de produire des gravures à la volée, comme on fait un graffiti. Le Tetra Pak, élément domestique familier, a aussi la faculté de provoquer des réactions affectives fortes, convoquant une mémoire souvent réconfortante, parfois perturbante… Le travail de l’encre très noir, la résistance de l’encre et l’apparition de l’image qu’on a produite, sont des moments qui convoquent une autre parole, une parole plus vivante, qui trouve son achèvement au moment où la gravure apparaît, notre dessin inversé, et taché d’une façon que nous ne pouvions pas prévoir.

L’enquête est devenue participative grâce à la présence et à l’engagement d’un groupe de complices du festival Chahuts, usager·es mais aussi observateur·ices de la rue.

Le résultat de tout cela a vu le jour sous la forme de deux projets, qui fonctionnaient chacun en écho avec l’autre :

  • L’exposition Cartographies Affectives

Constituée de 120 gravures récoltées auprès de multiples personnes toutes l’année, mais aussi de textes et de podcasts réalisés par les collecteur·ices Hors Normes, cette dernière questionnait notre rapport à la ville, aux lieux qui soignent, qui nous font du bien ou qui au contraire nous exposent à des insécurités. En cela, elle interrogeait aussi le rapport à la rue, au vivre à la rue et à l’errance et ainsi, et la manière dont la ville accueille ou non les plus fragiles.

Retrouvez les podcasts de l’exposition Cartographies affectives sur notre soundcloud juste ICI

  • La fiction Géographie de la Survie

Muni d’un jeu de cartes, d’un livret de pensées et d’une pièce de monnaie, les intéressé.es devaient suivre le chemin de Sandra et retracer l’histoire de son père, Djibril, sdf qui vient de mourir à la rue. Géographie de la Survie est alors une histoire qui se déploie dans la ville, où une enquête reste à résoudre : celle de comprendre qui était ce père et tous ses secrets afin de compléter les pièces manquantes du puzzle pour dessiner le portrait de cet homme disparu. Et de trouver dans ce chemin, les clés pour faire son deuil.

Vous souhaitez (re)vivre l’enquête de Géographie de la survie, découvrir toute l’histoire de Sandra et de son père. Replongez-vous grâce aux documents ci-dessous :

– lire le Livret de pensées de Sandra

– pour vous guider dans votre enquête, découvrez les affiches numérotées

Pour accompagner ce week-end de restitution de ce projet hors normes pendant le festival Chahuts, plusieurs événements sont venus le ponctués :

  • Radio Hors Normes

Animée par les collecteur·ices du groupe “son” et en partenariat avec la Clé des Ondes et Radio Douves, un plateau Radio a été organisé le samedi 8 juin 2024 enregistré en public au café des Douves. Ce plateau radio unique a fait entendre des voix marginales, décalées et a questionné “nos rapports à la folie”.

Écoutez l’émission ICI

  • Les causeries

En partenariat avec la Fabrique des Douves pour les droits culturels, deux causeries ont eu lieu dans le café des Douves. Ces évènements gratuits et accessibles à tous.tes ont posé deux questions :

– Faut-il saboter les normes ? avec Agnès Villechaise (sociologue), le Girofard et Hélène Abdelli (pratiquante de la rue)

– Faut-il romancer la marge ? avec Djemila Zeneidi (géographe), Lancelot Hamelin (auteur) et le collectif Parcours

Dès lors, alors que celle-ci est souvent silenciée, ces discussions laissaient la parole aux personnes concernées, et à des personnes qui questionnent ces sujets de manière scientifique, ainsi qu’aux personnes présentes dans l’assemblée. Ces rencontres ont alors permis de nouveaux endroits de réflexion, plus justes et plus sensibles pour la centaine de personnes présentes sur ces causeries. Ce fut de beaux moments de partage pour s’interroger ensemble sur notre capacité d’empuissancement, de transformations afin d’ébranler les logiques d’exclusion et d’invisibilisation à l’oeuvre dans la ville.

photos © Pierre Planchenault